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Contrepoint | Questions d’opportunité

Une petite semaine, et ce sera le retour, onze ans après, du Festival de la chanson tunisienne.

De l’opportunité de ce retour on discutera encore et encore.

Il y a d’abord à resonder le Pourquoi, le «fameux» Pourquoi.

Les raisons de l’interruption de 2010 étaient claires aux yeux de tous. Largement expliquées, surtout. Et agréées. Le Festival perdait valeurs et contenus. Perdait son public. Perdait son attrait. Ne s’accordait visiblement plus à «l’époque». S’imposaient un temps d’arrêt, un temps de réflexion.

La reprise est subite, en revanche, et dévoile mal ses raisons. Le plus probable est que les aspects artistiques n’ont pas tant compté. Déjà évoqué ici-même, les gens de la Wataria, classiques et anciens, n’ont jamais renoncé à la «vieille et chère formule». Et leur présence toujours agissante dans l’administration, le milieu, les médias a sûrement pesé de tout son poids. Le Festival de la chanson retrouve, certes, sa place, mais davantage, bien davantage, par le fait d’influences, de pressions de clans. Rien, absolument rien ne montre que les défauts d’hier sont réparés. Dépassés. Que la chanson tunisienne a récupéré ses valeurs, son audience et ses contenus. Ni qu’elle reflète bien son époque. La réalité plaide, au contraire, pour l’incertitude, pour le flou. Quelle musique nous exprime vraiment aujourd’hui ? Il n’y a plus que la Wataria, l’instrumentale classique, mais le rap, le mezoued en constante ascension, les nombreuses «mixées», la musique des «Band’s» aussi. La sociologie des publics a elle-même basculé. Le public du Tarab est désormais minoritaire. A peine «audible» devant les immenses foules du rap et du mezoued. Nos décideurs culturels souvent «en décalage générationnel» n’en tiennent pas compte. Quant au nouveau comité directeur du festival, il affirme en prendre fait et cause dans sa programmation, mais on le sait d’expérience, les faveurs personnelles, les penchants pour la Wataria, finissent par prendre le dessus.Il y a surtout l’opportunité du contexte. Du moment. Economie, pandémie. Difficultés insupportables. Peut-être même insurmontables. La Tunisie s’endette, s’appauvrit à vue. Des Tunisiens meurent de Covid chaque jour. S’y ajoutent des politiques qui n’en ont cure. Sans gouvernance, sans moyens et sans vaccins, comment justifier cette «tendance festive», ces dépenses qui desservent budget et santé ? Deux réponses émergent, partout, pas seulement qu’ici : aider les artistes et divertir les populations. Et comment donc ? On l’a vu aux «Césars du cinéma», le week-end dernier. La presse française a pointé le «ridicule d’un spectacle de comédiens occupés surtout à se plaindre et à protester. Et puis de quel divertissement parle-t-on? De celui d’un festival sans public, à tout le mieux mieux, avec assistance réduite, masquée et distanciée?

Il y a extrême urgence à l’heure actuelle dans notre pays. Il y a à éviter une faillite d’État et un virus mortel à contenir coûte que coûte. Deux priorités absolues. Avec sérieux et conscience c’est une affaire de quelques mois. Les divertissements viendront après.

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